Freedonia

A la demande générale, un camembert sur la nouvelle Knesset.

Contrairement aux gargarismes de la presse française sur le regain du centre et de la gauche israéliens, les élections reflètent une assez grande stabilité des équilibres en présence. Rien que de normal, en somme, compte tenu du scrutin à la proportionnelle intégrale. La gauche est toujours faible malgré le bon résultat de Meretz, le «centre» travailliste (dont la nouvelle chef dit qu’il n’a jamais été de gauche), laïc-libéral (la dynastie Lapid) et post-Kadima étals (échec de la nouvelle boutique de Tzipi Livni, «Mouvement»), et un jeu de vases communicants entre les forces réactionnaires. Le succès le plus frappant est celui du Foyer juif, parti raciste, anti-arabe, colon, issu de la mouvance religieuse juive la plus intégriste: il profite du tassement de l’alliance Likud / Beiteinu.

A part le nouvel emblème à feuilles de HaDash, on peut pas dire que c’est la grosse teuf non plus, niveau logos.

«What do we want to happen here?»

Sociabilité web

August 31st, 2012

AOL – GayFrance
mIRC – #gayfr
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Citegay / DialH
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Et apparemment aussi Badoo.

La nouvelle UDF

June 18th, 2012

C’est assez rose. Bravo au camarade Carvalho pour son élection à Compiègne-Nord. La carte a une petite imprécision (le député MPF est figuré dans une couleur ad hoc), qu’il faut encore que je rectifie, rapport à la lutte de chaque instant contre les ordinateurs et le temps. Ce sera mieux demain, comme on dit.

On se demande si les omniprésents candidats de l’Alliance centriste et leur élu de l’Ille-et-Vilaine vont donner leurs 1,63 € annuels à l’association de financement du Centre pour la France (a.k.a la PME de François Bayrou) ou à celle de l’Union des radicaux, des centristes, des indépendants et des démocrates (a.k.a la start-up de Jean-Louis Borloo).

Hier soir, on a trinqué au bon débarras de Morano, Guéant, Charette, Alliot-Marie, Muselier, Rosso-Debord, et dans un autre genre de buses: de Royal et Lang. On a jamais su si on pouvait crier «dégage» à la mémoire de Maryse Joissains (réponse: si).  ComitéCentral était étrangement content («elle est beyond!») de la victoire de Marion Maréchal-Le Pen, car les extrèmes se rejoignent.

 (cliquer ici pour agrandir)

Cassoulet

June 11th, 2012

On s’achemine inéluctablement vers une vague radicale à l’Assemblée nationale.

Pour voir la différence entre de bons résultats de la droite au premier tour et de bons résultats de la gauche au premier tour, on se reportera aux résultats de 2007. (edit: correction de l’erreur sur Saint-Pierre-et-Miquelon, première d’une longue série de circonscriptions gagnées par les radicaux de gauche.)


(cliquer sur le lien)

Mon amie Vouli

May 13th, 2012

En Grèce, les législatives anticipées ont fait imploser le bipartisme traditionnel. La chambre se situe dans cette configuration impossible: pas de majorité (149 sièges) pour les deux grands partis traditionnels et pro-austérité, socialistes panhelléniques et Nouvelle Démocratie, mais pas de majorité non plus pour les anti-austérité puisque les communistes du KKE refusent d’aller au pouvoir avec SyRiZa, qui décline toute alliance avec les néo-nazis d’Aube Dorée.

Aux dernières nouvelles, il faut regarder jusqu’à quel point les socialistes dissidents de la Gauche démocratique (DIMAR), qui se sont fait un logo à la DieLinke, vont résister aux appels du pieds pour une grande coalition avec le PASOK et la ND.

A noter, outre le stupéfiant emblème rameaux de l’ONU + frise grecque swastikesque d’Aube dorée, les efforts avortés de rénovation graphique de Nouvelle Démocratie, et le logo bien lisse et proto-villiéroïde de leurs propres dissidents anti-austérité, les Grecs Indépendants.

Je l’ai écrit il y a cinq ans, je le redis avec plus d’alarme: je crois notre pays épuisé, recru de misère et de bouleversements subis. On a dit, depuis, «dépressif». J’ai été surpris en 2007 qu’il préfère Sarkozy a Bayrou, la surenchère de coups de mentons et l’agitation caporaliste. Encore une fois, il a cru trouver son bonheur dans la geste d’un seul, les miracles d’un guérisseur d’écrouelles, la chute de foudre impérial des décisions venues d’en haut.

A chaque étape de la régression sociale violente, de l’attaque concertée sur l’Etat (son mât de chapiteau), du recul des libertés républicaines, j’ai été surpris qu’il ne se soulève pas. Il a pourtant une longue histoire d’insurrections inattendues (c’est un peuple frondeur). L’explication la plus simple que j’y trouve, finalement, est que l’anémie est déjà trop avancée, que ces dernières «réformes» sont comme des gifles a un neurasthénique.

J’ai eu cette discussion politique avec un ami, qui me disait a peu près: les Français attendent (encore) quelqu’un qui reprenne les choses en main, qui les dirige pour de bon. Je n’en suis pas si sûr. Plus cette fois-ci.

Marine Le Pen part de ce besoin pressenti, et comme tous les fascistes, avive le culte du chef. Mais elle est toujours goguenarde, presque hilare de la situation et de ses propres suggestions. Elle ne me semble pas prendre le pouvoir bien au sérieux, ni son électorat, ni son programme. D’ailleurs, sous le racisme de convention de ceux-ci, il n’y a plus guère que l’égoïsme nu et increvable du poujadisme, et la recherche éperdue de boucs émissaires pour notre désastre: qui croit sérieusement, en son for, que notre impasse soit surtout celle des «immigrés» ou des minorités?

Sarkozy lui aussi escompte séduire cette demande d’homme providentiel, en doublant le mensonge encore une fois – dans ce Ponzi de libéralisme autoritaire qu’est sa politique. Je serais cette fois stupéfait que cette ficelle marche. (il faut préciser que j’ai écrit ces lignes en janvier, quand j’étais encore à Lille.)

Hollande fait le pari inverse. Il promet «le changement sans le risque», un pouvoir modeste, plus de place aux corps intermédiaires. Je pense que notre pays crève du culte de la hiérarchie. Dans une nation de gens surdiplômés, on continue d’attendre toute décision, même la plus futile (et pas les seules impulsions) du haut de la pyramide, du sommet unique. On doute des jeunes, comme de l’intelligence du middle-management. On navigue entre l’inertie bureaucratique et le foudroiement des oukazes, sans jamais s’intéresser a la gestion.

Pour autant, cette solution de subsidiarité, chez Hollande, recèle je crois pas mal de pièges: geler la carte d’une décentralisation atomisée et sans cohérence, confier plus encore a l’incurie gestionnaire des partenaires sociaux.

* * *

Depuis le début, j’ai compté voter Mélenchon, et c’est ce que j’ai fait tout à l’heure. Je crois au cœur de l’argument de cette partie-là de la gauche, qui est tout simplement l’existence de la lutte de classes et la nécessité d’exercer un rapport de forces. Il me semble que le Front de Gauche concrétise cette exigence au point où nous en sommes rendus.

Je suis heureux et même un peu ému que le rapprochement de plusieurs familles, toutes précieuses dans leur apport idéologique et militant, – républicains laïcs, socialistes non dilués, libertaires identitaires (mouvements de pédés, de femmes, de visibles, d’espérantistes, etc), écologistes et alternatifs – se profile enfin dans notre pays: j’ai envié les Pays-Bas pour GroenLinks. Cela, d’ailleurs, ne se fera pas sans mal, et peut-être même pas du tout tant sont grands les rancœurs et le quant-à-soi.

Comme cette famille recomposée de la gauche, je refuse le système césariste de l’élection d’un chef; en ce sens, je suis un partisan de la VIème République. C’est pourtant sans déplaisir que je vote pour Mélenchon comme personne, tant je lui sais gré de son éloquence digne et classique, d’avoir su exprimer la fraternité entre souchiens et issus-de-l’immigration et entre les deux rives de la Méditerranée, d’avoir réalisé au moins à titre provisoire une synthèse entre ces courants de pensée entre lesquels je ne veux pas choisir. Ou autrement dit, de mettre le juquinisme aux alentours de 15%.

Parce que le pays va bien mal, je doute qu’il passe devant Le Pen. Mais cette campagne Mélenchon, dans ce que j’en ai vu et un peu vécu (en accompagnant Fillette et sa bande de pédales mélenchonistes au meeting de la porte de Versailles), me paraît remarquablement chaleureuse, enthousiaste, généreuse, drôle, bref prometteuse.

“Power concedes nothing without a demand. It never did and it never will.” (Frederick Douglass)

Dead end.

January 16th, 2012

Peut-être que cela me fera du bien de purger mes sentiments sombres ici. Ce blog a le mérite de n’être lu par personne, ou des amis dont l’amitié s’est faite suffisamment discrète et intermittente pour me foutre complétement la paix.

Vers la fin de l’année, j’ai ressenti un désarroi complet. La scolarité m’a semblé d’une absurdité écrasante, une sorte d’immense contrainte d’école primaire destinée à broyer notre originalité et notre volonté. La perspective de retourner à Strasbourg pour me soumettre à la mascarade de cours vides et d’examens surveillés de six heures m’est devenue réellement insupportable. J’exècre cette ville tellement froide et ennuyeuse qu’elle glace le cœur, je vomis la mentalité de petits flics de l’ENA qui en fait l’authentique parangon de l’enseignement français, je m’éteins de devoir patienter encore un an loin de la vie, même dans cette forme étouffée et languide de la vie qu’on appelle Paris. J’ai plus que jamais l’impression d’avoir passé tout l’âge adulte à retarder le vif du sujet, que je n’en suis encore qu’à la couturière de mon existence. Jamais de responsabilités, ce qui semble le lot commun de ma génération et tout particulièrement de ses braves garçons ; et toujours un agenda plein d’obligations de famille ou d’amitié, vaguement entrecoupées par les hoquets animaux de mon désir, de mon besoin d’être désiré. Une sorte de gigantesque exil loin de l’action, du réel, du neuf. L’impression que l’excellence dont chacun me barde (parents, amis, administration etc.) est une lamentable fiction de papier, une accumulation de diplômes inutiles et castrateurs, l’exponentielle du mensonge qu’on fait aux “jeunes de banlieue” en leur disant: «avec de belles études…» L’impression de n’avoir rien fait, ni pour les autres ni pour moi, rien de marquant, d’original, de grand. La certitude d’être petit.

Mes besoins sexuels se sont, sinon évanouis, du moins éteints. La plupart des types me semblent laids, ou pour le moins leur beauté occasionnelle me paraît une réalité indifférente, impropre à la consommation. Par habitude et besoin de chaleur, et par erreur il faut le dire, je suis allé au bordel (Lille en a de très bien, dans le genre). J’y ai croisé un garçon qui avait un beau visage et devait être aussi largué que moi. Il n’a pas dû comprendre ce que j’attendais de lui et je n’ai pas, moi, bien saisi ce qu’il disait. On se demandait sans cesse: «ça va?», et c’était loin de faire l’évidence. Il avait besoin de mon creux d’épaule, et réciproquement. Il a peut-être pensé que j’abusais de cette forme de fragilité et de tendresse qui sourdait de lui, pour arriver à mes fins, mais cela n’a pas été le cas parce que je n’en avais pas. Il s’appelait Kevin et venait de Wambrechies (et ceux qui pensent que c’est ridicule, sont des salauds ou des imbéciles).

Je me suis révolté contre ce Destin médiocre et laid, ce dieu mauvais, ce dieu sourd, toute cette solitude et cette absurdité. Un peu avant le Jour de l’an, j’ai discuté sur internet avec un type américain qui était, alors, à Paris. Je crois que j’ai été époustouflé par lui, par son assurance de jetsetter, par son sourire et sa jeunesse, par son succès, par la beauté qu’il a et qui est mon genre. Je me suis lancé là-dedans, en fracassant bien volontiers en pensée les cadres de mon existence actuelle – son enchaînement à Paris, à l’administration, à l’inertie qui m’empoisonne doucement. Rêver une vie à New York ou Los Angeles, former des hypothèses inédites et grisantes, accomplir les gestes de séduction les plus inouïs et les plus insensés, comme faire porter des fleurs à un inconnu; tout cela m’a plu, m’a aidé à passer l’année, m’a ouvert à titre temporaire quelques pistes. Ce type s’est payé de mots, à mes frais, lançant la machine de mes songes avec tout l’égoïsme que suppose et qu’implique la réussite, et l’arrêtant comme on met à jour son statut Twitter, ce qui est aussi une fin; sinon j’en serais toujours à bâtir un scénario de couple éternel outre-Atlantique.

Je suis assez las; en quoi, comme la boue à la chaussure, je colle à mon époque et à mon pays, qui sont bien sevrés d’espoir et d’élan.

Cent mille colombes

November 30th, 2011

Le retard de camemberts s’accumule chez Freedonia, l’affineur du storytelling. Je me suis essayé à représenter les résultats de l’emblématique élection tunisienne, spéciale cace-déci à Emmanuel de Ngroung.

L’échelle gauche-droite n’est pas bien pertinente pour décrire la situation politique sur place. Je crois pouvoir néanmoins distinguer trois blocs: Ennahdha, le parti islamiste de la Renaissance, qui domine mais pas hégémoniquement (voir ses tribulations pour faire voter ses priorités par l’assemblée); une variété de partis anciens ou neufs qui veulent incarner la révolution, des communistes aux républicains-indépendants, parmi lesquels Ennahdha s’est choisi deux alliés sociaux-démocrates (le CPR et Ettakatol); enfin, en violet et à droite, les partis plus liés à feu le régime Ben Ali — beaucoup d’élus de Pétition populaire ont d’ailleurs été invalidés et ne siègent pas.

J’aime bien le choc que crée une gamme de symboles finalement assez restreinte: étoile rouge contre étoile de l’Islam, colombe de la paix contre pigeon de la paix, olivier de, euh, la paix contre rameaux pacifiques. Ou peut-être toute cette confusion graphique est-elle une sorte d’aveu, de lapsus, tandis que l’on craint que les islamistes, ou les bénalistes, ou d’autres, ne se présentent en sous-main sous une étiquette bidon.

Mélanges

November 14th, 2011

‘‘Wie andere in den Park oder in den Wald, lief ich immer ins Kaffeehaus, um mich abzulenken und zu beruhigen, mein ganzes Leben.” (Th.B).
(«Comme d’autres dans le parc ou dans la forêt, j’ai toujours couru au café, pour me divertir et me calmer, toute ma vie»).







A1: A mon arrivée, mon proprio m’a envoyé là, au Prückel, muni d’un «c’est là que les gens comme nous se rendent, les dimanches après-midi». Dans le décor doucement décati des seventies, enfoncés dans les banquettes, la fin du dimanche s’étire interminablement pour les bobos rêvant de branchitude est-berlinoise. Entre le grand crème et la pâtisserie, j’ai su que tout irait bien.

A2: Ritter résume le café classique de quartier. Une décoration sans charme, conservatrice, la carte et le service itou. C’est le premier où l’on tombe par hasard, mais il ne faut pas en rester là. En bonne logique, un florilège commence par là, car c’est le lieu sans caractère par excellence – donc l’archétype –, dans l’artère la plus anodine, Mariahilferstrasse, où toute la banalité du commerce est réunie. Ayant vu les chaises, les Schnitzel de Ritter, on a un point de comparaison.

A3: En énumérant les cafés envisageables, Farkas m’avait écrit : «et au Schwartzenberg, parce que tu n’auras pas le choix». Ce devrait être le repère d’en face, la cantine de Département GmbH, qui pourtant ne s’y montre pas. Calé dans les fauteuils Art déco, cadré par le service mit Schmeh, mais ensuqué au Salonbeuschel, on pourrait ne jamais repartir, et se croire viennois. Ce serait comme une digestion hasardeuse et interminable, observée avec gourme par des garçons de café insolents quoique hors d’âge.

B1: Comme dans un roman de Simenon, Korb n’est fréquenté l’hiver que par des habitués sans histoire, dont même l’excentricité ne vient qu’à son heure. Seuls changements repérables d’avec cette immuable banalité fifties : la couverture (pas le contenu) des menus, un et un seul des plafonniers, et les toilettes. Comme si toute innovation devait pouvoir être réversible. Bien caché au sous-sol, on a créé un dancing tout neuf tout design, mais dont je n’ai jamais déterminé les horaires d’ouverture; à Vienne on garde le présent en réserve et en lisière. Le service est prévenant et confidentiel comme nulle part ailleurs, et amusé comme toujours. Si j’avais dû rester à Vienne, c’est ici que j’aurais posé mon rond de serviette.

B2: Comme beaucoup de salles viennoises, celle de Bräunerhof et trop haute et donne de l’écho, comme s’en plaignait Thomas Bernhard. Mais le café est isolé de la rue et des temps par son rideau de dentelles, et des assauts du confort par des banquettes aussi raides que son service. Un garçon tout droit sorti du Sceptre d’Ottokar, des chaises et des porte-manteaux en quinconces, de la pénombre à toute heure, et un mélange incongru de vieux Viennois, font l’esprit du lieu, mélange d’amour impossible et de nostalgie rancunière. Le téléphone portable d’un client, un ouvrier, sonne: le générique de Six Feet Under; est-il lui aussi croque-mort?
Bräunerhof a le même décor élimé de sièges beiges et fleuris que le café de l’Archiduc, à Bruxelles, mais avec l’effet inverse. Il n’est pas joyeusement rétro, mais prisonnier du passé. Pourquoi impose-t-il ces horaires impossibles, cette fermeture tôt le soir? Toujours l’esprit de contradiction. Ici, le présent est triste car le passé est criminel.

B3: Alt Wien est le plus proche équivalent viennois de De Muse à Anvers. Il sait d’où il vient, certes, mais pas au prix d’où il en est. Ici, enfin, on est de plein pied dans la réalité, les discussions intelligentes, les beuveries amicales, la bohème des artistes, le tourisme sans facilité, et le spectacle de la vie.

C1: Central est le plus élégant attrape-touriste, bas et scintillant et rempli comme un aquarium. Le vrai café Central était ailleurs dans le même bâtiment; il devait déjà être un peu tape-à-l’œil, même s’il a laissé l’héritage monnayable d’un panthéon d’intellectuels désargentés. Tout de même, niveau five o’clock tea, les arcades néo-Renaissance et les pâtisseries à complications font la paire.

C2: Les murs de ce Griendsteil n’ont jamais veillé sur les gloires littéraires du Griensteidl du bon vieux temps. On a lamenté à l’époque sa disparition, un peu plus loin dans la même rue. Le café a donc le nom, et rien d’autre. Il est fake, prétentieux et touristique, dans le genre haut de gamme. Il est en effet situé à proximité de ce qu’on fait de plus détestable à Vienne, le Disneyland de Sissi à la Hofburg, et Raiffeisen la banque à pedigree et à casseroles. En face, Loden, fournisseur molletonné du conservatisme depuis des lustres.

C3: La géométrie de ses créateurs reste efficace, et il y a une bonne blague au menu: le hamburger s’appelle Habsburger. Sinon, le Museum est trop lisse et poli pour avoir de la personnalité. Les célèbres fantômes sont laissés pour morts, mais restent rentables, sous la peinture trop fraîche.

D1: Parfois, le café devient une excuse excellente pour faire excursion dans un quartier obscur. Goldegg n’est pas éloigné, il est juste un peu plus loin; qui se soucie de pousser si avant dans Argentinierstrasse? Le café est inaccessible au changement, pas pour attirer les touristes mais sous l’effet de cette affection pathologique de Vienne pour sa propre inertie (le passé et la lenteur). Café sans histoire, Goldegg est hors du temps.

D2: De vouloir voir tous les cafés de Vienne, j’ai déjeuné un jour avec Matthieu DC à Eiles, le café derrière le Rathaus. Le lieu manque d’âme, de clients, fait son âge mais ne marque pas les heures. La décoration est assez laide mais la disposition magistrale, en angle aigu. On se croirait dans un casino de province, perpétuellement hors saison.

D3: Jelinek , encore un passage dérobé vers le passé. En 1960, Jelinek a dû être un café branché, un peu contestataire, dans un quartier alors entre deux eaux. C’est la quintessence d’une modernité défraîchie, mais point désuète ou rétrograde. J’aime beaucoup aux murs les tableaux abstraits, car chez Jelinek on collectionne le contemporain viennois (celui d’hier).

E1: On y pénètre par une ruelle introuvable, modianesque, à la dérobée. Onze heures, il n’y a plus personne (deux habitués, et nous), à Spirito Santo. On croyait qu’il y aurait des travelotes délirantes, des noctambules ivres, des rencontres improbables: rien. Tout est tellement ouaté et vieux jeu ; le patron passe du classique; on dirait le confessionnal des invertis repentants.

E2: Berg, un autre couloir du temps. La décoration sobre mais d’un autre temps, l’homosexualité d’un autre âge, me renvoient en arrière. C’est 1986. Avec ma famille, nous sommes à San Francisco. Je me retrouve avec ma mère à manger du yaourt glacé dans un bar de North Beach, le quartier italien. Tables en métal. Aux murs, des photos de nus en noir et blanc, Mapplethorpe ou Ritts. Je suis fasciné par le moment et l’endroit, je voudrais être adulte pour avoir accès à ce qu’ils promettent: un truc sexy, cool, qui n’a pas de nom encore pour moi.

E3: Je n’ai même pas pensé à prendre de photo de Savoy, alors j’ai volé celle-là sur internet et n’ai cadré que le miroir (le plus grand de l’Europe dit-on). Savoy n’est pas sympathique ou sexy, seules les glaces y ont de la magie. On pense aux polissonneries fin-de-siècle de générations d’homosexuels. On songe que le lieu, de jour, sait accueillir incognito les touristes, les flâneurs du marché aux puces: c’est la grande glace d’une porte de placard.

F1: Bondé, plein à craquer de caisses de bière et de confiance en soi, Hawelka fait commerce d’accueillir les intellectuels arrivés. L’atmosphère est dense d’éclats de voix et de fumée de cigarette. Hawelka aussi a ses reliques de tradition à exhiber et ses images pieuses à vendre: la crêpe aux petites heures de la nuit, la garde montée par son increvable patron-fondateur, les mille dédicaces de prestige aux murs.

F2: Chaque café de Vienne est probablement hanté par une vieille femme, la folle du logis qui est aussi le génie du lieu. Elle condense la clientèle, lui tend un miroir grossissant. Chez Korb, c’est une liseuse de journal pleine de manies, prête à mordre la main du serveur – peut-être est-elle Elfriede Jelinek. A la terrasse du Landtmann, café de la bonne société, une dame très bien, une coquette d’un certain âge, nous parlait de ses vacances à Marbella et nous répétait en boucle, à SophCo et moi: «Les Mercedes sont d’excellentes voitures. J’ai longtemps travaillé dans le quartier, c’est pour ça que je viens souvent ici. Quel temps superbe, les arbres fruitiers ont fleuri devant chez moi».

F3: Dommayer est au café ce que Schönbrunn est à Vienne: une sortie dominicale un peu loin de tout, très comme il faut, avec chichi. Tout snobisme dehors, le Caffeehaus affiche des vieux programmes d’opéra. Le lieu est guindé, vieux-jeu, et sélect comme le Staatsoper: le conservatoire des dadames à chienchiens et des touristes japonais. Il s’est donc révélé l’endroit idéal pour prendre congé sans regret de Vienne.

G1: Mon premier quartier à Vienne, un ex-faubourg populaire en voie de gentrification accélérée voyait les bars branchés pousser comme les boutiques bio-équitables. Die Schöne Perle, Leopold!, O Bar Shabu, autant de lofts pour bobos, échoués dans un quartier froid, cherchant le réconfort mutuel de leur bon goût ironique et d’un Aperol-Spritz.

G2: En déménageant, je suis tombé en plein cœur du quartier le plus lancé de Vienne, débitant des litres d’Aperol à des kilomètres de mèches. On aurait pu croire qu’Amy Winehouse vivrait toujours pour veiller de sa voix chaude sur ce petit monde vintage.

G3: J’ai terminé par là où la plupart commencent. Mais j’appréhendais d’aller chez Sperl, que les guides décrivent comme «le plus classique» et «Hitler y avait ses habitudes». Le lieu est authentiquement beau et immuable, et même assez sympathique avec le vieux billard, les suspensions de cuivre. Vienne ne laisse pas ses fantômes la hanter et rares sont ceux qui les invoquent.

Ca swingue en Slovaquie.

October 12th, 2011

L’actualité place la Slovaquie sous ses feux, puisque cette dernière rejette à ce stade le plan d’aide européen à la Grèce. J’ai alors réalisé, horreur, que je n’avais pas à l’époque publié le camembert afférent aux élections de 2010 dans ce pays.

En gros, le gouvernement d’Iveta Radicova réunit plusieurs genres de conservateurs / chrétiens, ainsi qu’un parti de la minorité hongroise et les libéraux du SaS. A noter qu’il y a bien cinq partis dans la coalition au pouvoir et pas quatre comme le dit la presse de chez nous — l’OKS (à l’origine une dissidence assez réac du parti conservateur de l’époque) soutient sans participation le gouvernement, après s’être présenté en cartel avec les magyarophones de Most-Hid.

Ce sont les libéraux eurosceptiques de SaS qui, à l’instar de leurs camarades allemands du FDP, font monter les enchères et menacent à la fois leur coalition et l’avenir économique de l’humanité, ou environ.

Du coup, avec ce mauvais coup des villiéristes (tendance Gérard) de Slovaquie, j’ai pensé à ça :

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