Freedonia

«Visions of Tokyo»





A1: Ensuite, et jadis, je partis pour Tokyo, la peur au ventre de m’égarer dans le déplacement et la traduction.
A2: Mais le seul choc de vraie confusion, de peur un peu, de bruit et de fureur, fut ce péan aux thonniers-senneurs: l’aube au marché de poissons deTsukiji.
A3: S.-A. D. dit «C’est une ville laide», car elle voit l’urbanisme déshumanisé, démesuré, dément, la cavalcade de passerelles et d’autoroutes surélevées, la métropole sans plan, sans unité et sans centre.
B1: Mais à l’infini aussi, sans réticence et sans passé, se dressent élégamment les gratte-ciel audacieux, les malls pharaoniques de downtowns futuristes.
B2: Et bloc à bloc, en contrebas, sans continuité d’échelle ou d’époque, sans cohérence entre étages, les villas des contre-allées sont des maisons, des boutiques, des restaurants. Parfois, les câbles électriques et la moiteur, et le luxe planté au milieu d’immensités urbaines, évoquent le Sud: Sao Paulo ou Istanbul.
B3: Souvent aussi, on se heurte aux formes et aux idées de la Chine, et au déni nationaliste: «nos palais sont vermillons, les leur sont rouges, OK?» (la guide parlait comme Mr. Mackey.)
C1: Le plus époustouflant, le plus mesuré, le plus pittoresque, le plus évident, ce fut la villa Katsura.
C2: C’est le palais simple, la sophistication de l’ascète, dans un pays des collectionneurs de mousses et de contemplateurs de cailloux.
C3: Exotique, et pourtant, dans l’exactitude métronomique de la société de cour, dans la brigue des princes rivaux et des héritiers pourvus d’abbayes, dans Kyoto enfin on reconnaît Versailles.
D1: Tout en feuilletant le trombi des geishas qui m’a été aimablement fourni, je découvre le sushi du Kansai: gros, rond, gainé, pressé, bizarre mais géométriquement incontestable. Avec un bout de congre.
D2: Parfois, on se reprend d’imaginer des slogans sur la tradition et la modernité, Hokusai et le Shinkansen.
D3: Tout est partout élégant et minutieux, parfois mignard, parfois parfait. Comme le note Lafcadio Hearn, la ruine guette dans la tentation de ces myriades de petites choses.
E1: Etonnante jusqu’à la bizarrerie, aussi, l’omniprésence du mignon, des petits personnages, du renard INFOX des terminaux bancaires au lion-Koizumi.
E2:Et dans ces mille détails, prostitués androgynes, plan coudé des temples, faune et flore antipodes, honte de l’imparfaite anglophonie, effroi de ne pouvoir répondre, bars pédés cachés à l’étage, esprit des lieux des murs couverts d’idéogrammes, affleure la fondamentale étrangeté du Japon.
E3: Le Baron (de Tokyo).

Tags: , ,

Comments are closed.

Proudly powered by WordPress. Theme developed with WordPress Theme Generator.
Copyright © Freedonia. All rights reserved.