Freedonia

L’épreuve sous pression.

«Masterchef», malgré la sophistication de l’image, et l’existence d’un sujet (la bouffe), réitère comme toute la téléréalité la plus trash et la plus vide quelques messages essentiels sur ce qu’on attend des travailleurs français en 2011.

Adaptez-vous. L’émission saque avec la même détermination la popote bourgeoise à la Simenon (ringarde) et les cuisine exotiques (nombrilistes). Après 40 ans de nouvelle cuisine, 20 ans de fusion food et 10 ans de verrine, la seule planche de salut, comme chez Valérie Damido, c’est d’applaudir à la nouveauté qui te tombe sur le coin de la gueule. Comme un comité exécutif présentant les valeurs toutes neuves de la boîte, les chefs sont au total premier degré comme lors du dernier changement d’actionnaire.

Ecrasez-vous. Rien que le titre, déjà, aurait dû vous faire comprendre qu’ici, l’autorité à l’ancienne est aussi légitime qu’au «pensionnat de Chavagnes». Face à la hiérarchie (entièrement masculine, sauf la standardiste collabo), vous êtes coincé entre le kapo sadique et veule, le beauf faussement rond, et le cadre sans état d’âme. Et la logique darwinienne de l’émission implique de s’aplatir devant eux comme une escalope (syndrome de Stockholm, «oui chef»), voire à l’occasion de jouer les serre-file («tu te tais, et tu bosses»).

Enrichissez-vous. L’objectif bien sûr est l’argent mais aussi, plus subtilement, la volonté d’avoir son fond de commerce. Comme dans un wet dream d’Hervé Novelli, tout le monde rêve petit et rêve entreprise (qui, un gîte rural, qui une boutique de cakes). Une richesse médiocre et pour soi tout seul, que vous auriez gagnée avec vos primes de Best Employee of The Month, aux dépens de vos collègues.

Soyez l’Eric Ciotti de l’étape. Venez d’Alsace ou de Nice ou du Vésinet. Bossez pour l’armée ou un chantier Bouygues.

En résumé : aimez votre aliénation. Votre passion n’est pas gratuite, elle est devenue votre gagne-pain. Votre aventure, c’est le turbin. Arrêtez de refaire la recette de votre mamy à la perfection, faites-vous un ulcère à foirer un crumble de poisson et demandez pardon.

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